Être Thérapeute et Féministe : Une Approche Engagée de la Thérapie

Le féminisme est bien plus qu’un mouvement social et politique : c’est un prisme essentiel pour comprendre la souffrance psychique et accompagner les personnes en quête d’un mieux-être. Nos détresses ne sont pas uniquement individuelles ; elles sont façonnées par des systèmes de pouvoir et d’oppression qui structurent notre société.

Être thérapeute et féministe, c’est donc offrir un espace où chaque personne – qu’elle soit cisgenre, trans, non-binaire, en questionnement – puisse explorer son vécu sans crainte d’être jugée ou invisibilisée. C’est reconnaître que la souffrance psychique ne peut être séparée des violences systémiques, et que le soin doit être pensé dans une logique de ré-empouvoirement, plutôt que d’adaptation à un monde oppressif.

Qu’est-ce qu’être un·e thérapeute féministe ?

Un·e thérapeute féministe adopte une posture critique vis-à-vis des normes sociales et des rapports de domination. Cela implique :

📌 Reconnaître l’impact des oppressions systémiques

Nos émotions, notre estime de nous-même et nos traumatismes ont des origines. Le patriarcat, la transphobie, le cissexisme, le racisme, le validisme, la précarité économique et d’autres formes d’oppressions génèrent de nombreuses violences et façonnent nos expériences qui influencent profondément notre santé mentale.

Une approche féministe et intersectionnelle ne réduit pas la souffrance à une simple problématique individuelle, mais cherche à comprendre comment ces systèmes contribuent à générer et entretenir le mal-être.

🌱 Déconstruire les normes de genre et le sexisme latent

Les normes de genre dictent ce que nous sommes censé·es ressentir, exprimer ou être. Elles voudraient imposer par exemple aux femmes et aux personnes assignées femmes à la naissance d’être discrètes, compréhensives, douces. Elles voudraient interdire aux hommes et aux personnes assignées hommes à la naissance d’être vulnérables. Elles participent grandement à l'invisibilisation du vécu et des expériences des personnes non-binaires et trans en les présentant comme marginales ou “problématiques”.

Ces injonctions ont un poids psychologique immense. Elles nourrissent l’anxiété, la dévalorisation, la peur d’être « trop » ou « pas assez ». Une thérapie féministe offre un espace pour interroger ces attentes, les déconstruire et permettre aux personnes de se réapproprier leur identité, leur expression de genre et leur rapport à elles-mêmes.

⚖️ Prendre en compte les violences sexuelles et les mécanismes d’oppression

Les violences sexuelles sont omniprésentes dans notre société, qu’il s’agisse d’agressions physiques, de harcèlement, de coercition ou de micro-agressions normalisées. Elles touchent particulièrement les femmes, les personnes trans et non-binaires, et elles peuvent laisser des marques psychologiques profondes.

Or, dans de nombreux espaces de soin, ces violences sont minimisées, mal comprises, voire ignorées. Trop souvent, les personnes ayant vécu ces violences sont confronté·es à du "victim-blaming" (questionner le comportement ayant "mené" à l'agression, la tenue vestimentaire, le fait de ne pas s'être défendu.e etc...) ou à une psychologisation abusive de leur souffrance qui invisibilise les racines systémiques du problème.

Un·e thérapeute féministe crée un espace où la parole des victimes est reconnue et crue, où la responsabilité est replacée sur les agresseurs et sur la culture du viol qui les protège. L’objectif n’est pas simplement d’aider à “aller mieux”, mais de permettre une reconstruction du soi en dehors du regard oppressif de la société.

🤝 Repenser la relation thérapeutique

Historiquement, la relation thérapeutique a souvent été construite sur un modèle hiérarchique, où le·la thérapeute détenait un “savoir” supérieur sur le·la patient·e. Une approche féministe remet en question cette dynamique :

• Elle reconnaît le savoir expérientiel de la personne accompagnée.

• Elle vise une co-construction du soin, où la personne a voix au chapitre sur son propre processus.

• Elle s’appuie sur des pratiques non pathologisantes, qui ne cherchent pas à “corriger” une identité ou une expérience, mais à lui donner un espace d’expression libre.

Pourquoi le féminisme est-il essentiel en thérapie ?

Adopter une posture féministe en thérapie, ce n’est pas imposer une idéologie, mais offrir un cadre où la souffrance peut être comprise dans toute sa complexité, sans pathologisation ni culpabilisation.

Ce cadre permet notamment de :

🔍 Déconstruire la honte et l’auto-culpabilisation

Les violences systémiques génèrent un sentiment d’isolement, de honte et d’illégitimité. Beaucoup de personnes trans, non-binaires, racisées, précarisées ou survivantes de violences sexuelles en viennent à douter de leur propre réalité.

Une approche féministe met en lumière ces mécanismes et aide à comprendre que la souffrance n’est pas un “problème personnel”, mais le résultat d’un environnement qui invisibilise et oppresse.

💡 Créer un espace de réappropriation de soi

Le travail thérapeutique ne se limite pas à apaiser des symptômes. Il s’agit aussi de retrouver du pouvoir sur son récit, sur son corps, sur ses émotions. Une thérapie féministe et trans-affirmative permet d’accueillir chaque parcours avec respect et sans projection cisnormative ou hétéronormative.

C’est un espace pour :

• Explorer son identité sans contrainte sociale

• Déconstruire les attentes oppressives

• Exister pleinement, en dehors du regard normatif

🌎 Prendre en compte l’intersectionnalité

Une femme trans racisée ne vit pas les mêmes oppressions qu’un homme trans blanc. Une personne non-binaire précaire peut rencontrer des difficultés spécifiques. La thérapie féministe reconnaît ces réalités et les prend en compte, sans chercher à uniformiser les expériences.

L’objectif est de proposer des outils adaptés à chaque vécu, sans nier la complexité des oppressions croisées.

Une thérapie qui permet un ré-empouvoirement

S’inscrire dans une démarche féministe en tant que thérapeute, c’est proposer un espace où chaque personne peut explorer son propre cheminement, sans avoir à se justifier ou à se conformer à des cases rigides. Ce n’est pas demander aux patient·es de “s’adapter” à une société oppressante, mais plutôt leur offrir des outils pour reprendre du pouvoir sur leur vie.

Plutôt que de chercher à “réparer” ou à “corriger”, une approche féministe et inclusive de la thérapie vise à :

🔥 Aider à identifier les mécanismes d’oppression et leurs impacts

🔥 Soutenir la réappropriation du corps, de la parole, de l’identité

🔥 Construire des ressources pour affronter un monde encore violent et inégalitaire

🔥 Encourager l’affirmation de soi et le respect de ses limites

Chaque personne mérite un espace de soin où elle peut être vue, crue et respectée.

👉 Et si la thérapie était un lieu où l’on pouvait enfin être pleinement soi, sans peur et sans contrainte ?